Le Pommier d'Avallon


Fée Morgane !

Le pommier et son fruit sont très riches de symboles plus ou moins liés.
Une confusion linguistique pourrait être à l’origine de la pomme comme responsable de la chute d’Adam et Eve. En latin, les mots pomus et pomum, dont sont issus pommiers et pomme, désignent, respectivement, tous les arbres fruitiers, et tous les fruits ronds et charnus. Pomus et pomum ont remplacé les mots latins classiques malus et malum issus du grec ancien mèlon. Il est intéressant de noter que le mot mal est homonyme de malus. Le malus biblique, qu’il soit ou non un pommier, sert de référence à la nomination d’espèces fruitières. Ainsi le Malus praecox appelé pommier de saint Jean ou pommier de paradis.
Parmi les pommes riches de symboles, nous pouvons citer : la pomme de discorde de Pâris, les pommes d’or du jardin des Hespérides, la pomme consommée par Adam et Eve, nous l’avons déjà évoquée, la pomme du Cantique des Cantiques qui figure la fécondité du Verbe divin, sa saveur, son odeur.
Le jardin des Hespérides est celui des fêtes du mariage de Zeus et d’Héra. Cette dernière reçoit de Gaïa, la déesse de la terre, des pommes d’or. Héra les fait planter dans le jardin ; Un arbre grandit et donne des fruits d’or. Un dragon enroulé autour de l’arbre en défend l’accès. Le jardin est situé aux confins du monde occidental, là où le soleil se couche. Il est gardé par les Hespérides, nymphes du soir. Héraclès peut cependant dérober les pommes qui confèrent l’immortalité.
Chez les Celtes, la pomme est fruit de science, de magie et de révélation. C’est aussi l’arbre de l’autre monde. La pomme, aval en celte, est le nom du séjour mythique, l’île d’Avalon ou île aux pommiers. Y reposent les rois, les héros blessés et les défunts, parmi les fées, sur lesquelles règne Morgane. La légende dit que le roi Arthur s’y réfugie dans l’attente de libérer les Bretons et les Gallois. Merlin l’enchanteur enseigne sous un pommier. Cette île représente aussi le royaume sacré, l’île Bienheureuse, terre vaste et fertile. La pomme est le symbole du soleil. L’équivalent gaulois d’Apollon, dieu solaire des Grecs, est Bélénos, le brillant.
Cette légendaire île d’Avalon est située dans l’autre monde, et pourtant la Bretagne est riche de pommiers. D’après Bernardin de saint Pierre, cela est la conséquence de la vengeance de Thétis. Celle ci, jalouse qu’Aphrodite ait emporté la pomme qui était le prix de la beauté, la pomme de discorde de Pâris, fait voler le fruit par un triton sur le rivage des Gaules, puis en sème les pépins dans la campagne environnante, pour perpétuer le souvenir de sa vengeance et de son triomphe.
Chez les Gaulois, le pommier est arbre sacré à l’égal du chêne. Dans les légendes celtiques, Lug inflige aux trois fils de Tuireann l’épreuve qui consiste à chercher les trois pommes d’or du jardin des Hespérides. Ces pommes délivrent de la faim, de la soif, de la douleur, de la maladie et ne réduisent jamais de volume. Le pommier est le symbole de l’amour qui lie l’homme à la nature.

Au Caucase, le pommier est arbre reliant la terre au ciel. Le même mot ma signifie pomme et étoile. Cela donna les pommes d’or des Grecs et des Celtes. En Normandie, un pommier qui pousse vite en hauteur, est dit filant.

La tradition du sapin de Noël est récente en France. Elle a été importée d’Allemagne au siècle dernier par la bru de Louis Philippe, et ne devint populaire qu’après la guerre de 1870. Auparavant, d’autres arbres participaient à la fête de Noël. En Charente ; on raconte que des pommes venaient se poser sur les arbres pendant la messe. L’arbre à pomme des traditions alsacienne et allemande est en fait l’ancêtre du sapin de Noël. La fête d’Adam et d’Eve a autrefois lieu le 24 décembre en Alsace, et il est déconseillé de manger des pommes ce jour-là. Dans les églises, les jeux de paradis rappellent ce qu’il advint au Paradis. L’arbre de la connaissance y est représenté par un sapin décoré de pommes rouges, en souvenir des pommes d’immortalité conservées par la déesse germanique Iduna. Les dieux mangent ces fruits pour rajeunir.
Des pommiers ornent les cimetières en Normandie et en Bretagne. Le jour de la Toussaint, en Bretagne, un faux pommier, branche de houx ou d’if, portant une pomme rouge sur chacun de ses rameaux est vendu aux enchères au profit des âmes des défunts. Cet arbre toujours vert, est à la fois arbre des morts et espoir de fécondité.


Il fait bon dormir sous l’ombre d’un pommier :

Sous le pommier, je t’ai réveillée,
Là même où ta mère te conçut,
Là où conçut celle qui t’a enfanté.
(Le Cantique des Cantiques, épilogue)

Le Cantique des Cantiques est le premier texte connu à évoquer, cinq siècles avant Jésus Christ, le pommier :




Comme un pommier parmi les arbres d’un verger,
Ainsi mon bien-aimé parmi les jeunes hommes.
A son ombre, désirée, je me suis assise,
Et son fruit est doux à mon palais.
(Cantique de Cantiques : premier poème)

Le symbolisme de la pomme semble venir de ce qu’elle contient, pour certaines espèces, en son milieu une étoile à cinq branches, formée par les alvéoles. Les initiés en font le fruit de la connaissance et de la liberté. Manger la pomme signifie abuser de son intelligence pour connaître le mal, de sa sensibilité pour le désirer, de sa liberté pour le faire.
Par sa forme sphérique, la pomme représente globalement les désirs terrestres ou la complaisance en ces désirs.
Le pommier est cultivé en Palestine, apporté d’Egypte par les Hébreux. De nombreux malus ornent les jardins du temps de Ramsès II. Le pommier semble ancien, plus de vingt mille ans probablement.

Le bois de pommier peut servir à faire des outils et des sabots. Le pommier sauvage est préférable au pommier des vergers. L’écorce fournit une couleur jaune résistante.

Le cidre est la boisson préférée de Charlemagne.

D’après Voltaire, Newton a conçu la théorie de la gravitation universelle en faisant la sieste et en observant la chute d’une pomme, sous un pommier.

De nombreuses traditions et croyances populaires sont attachées au pommier. Ainsi, sucer le jus d’une pomme durant un orage en enlaçant le tronc de l’arbre, protège contre le feu de l’enfer. La légende raconte aussi, qu’à Dol en Bretagne, les pommiers des marais donnent, alors, des fruits âcres. Un jour, saint Magloire, poursuivi par des païens, se réfugie dans le tronc creux d’un pommier. Il mange l’unique pomme de l’arbre pour étancher sa soif, et la trouve très douce. Depuis, les pommes de Doux Auvêque sont délicieuses. On arrose à Pâques les pommiers avec de l’eau bénite en Ille-et-Vilaine. En Bretagne toujours, on les frotte avec des feuilles de chêne et on suspend un brin de verveine à leurs rameaux. Une branche de pommier fleurie est attachée au lit des jeunes filles afin de hâter le retour des fiancés partis en mer. Dans le Jura, on s’essuie les mains ayant pétri la pâte à pain, à leur tronc. En Gironde, on place à la fourche des branches une pierre prise le Vendredi saint dans le cimetière d’une paroisse voisine.
A la plantation d’un pommier, il faut cacher un pois sous les racines, pour le protéger du diable et des lutins. Un pommier planté le jour de la naissance d’un enfant, souffre quand l’enfant est malade et dépérit si l’enfant meurt. Le pommier est aussi un arbre vers lequel on peut transférer une maladie humaine, par l’intermédiaire d’un lien de paille attaché autour du tronc. Le pommier, très résistant, supportera le mal.

Les hérissons portent-il des pommes piquées sur leurs piquants ? La question ne semble pas définitivement tranchée, mais l’iconographie médiévale a fait du hérisson un symbole de l’avarice, en raison de l’habitude qu’aurait l’animal de piquer puis de cacher des pommes. Les paysans qui mangent des hérissons, les disent meilleurs, lorsqu’ils ont mangé des pommes.
Le mot pommade vient d’un onguent fabriqué à la pulpe de pomme.

De nombreuses localités portent des noms dérivés de pommier. Ainsi Pommereuil dans le Nord, Pommeréval en Normandie, Pommeuse en Seine et Marne, Pomarède dans le lot, Pomarez, dans les Landes, Pomerols dans l’Hérault, Avallon dans l’Yonne (ville des pommes), Valuéjols dans le Cantal (endroit à pommiers); et cette liste n’est pas exhaustive.
Des églises sont consacrées à Notre Dame des Pommiers, comme celle de Largentière et de Ruoms dans l’Ardèche, celle de Sisteron dans les Alpes de Haute Provence. On ignore, cependant, si ces églises ont été construites sur des terrains plantés de pommiers ou à l’emplacement d’anciens temples païens dédiés à Pomone la déesse des fruits et des amours bucoliques  
source:
  patrick-courtois2@wanadoo.fr

2 commentaires:

  1. Je n'ai pas encore tout lu, et je vais y revenir. Mais, d'ores et déjà, Merci de nous en offrir l'occasion. J'adore votre "Morgane" ! Très belle illustration !

    RépondreSupprimer
  2. Très beau thème - que je n'ai fait que parcourir rapidement, mais j'y reviendrai - dont je vous remercie. Très belle aussi l'illustration de cette fée Morgane (qui a longtemps peuplée - avec les autres acteurs du conte "Merlin l'enchanteur" - mon enfance).

    RépondreSupprimer